Mort moi ! (épisode 1)

Mort moi épisode 1

C’était une nuit ordinaire … une nuit baignée d’étoiles comme tant d’autres. Assise sur un banc public, Aurore sanglotait. Seul semblait répondre à sa complainte le bruissement entêtant des aulnes bordant la rivière. Un carnet à la main elle voulut coucher sur papier sa tristesse, pour se vider de se trop plein d’émotions qui la submergeaient…. Oui, elle avait un chagrin d’amour, de ces premiers chagrins qui vous déchirent le cœur…. Une de ces premières peines qui vous donnent l’impression que la mort est préférable à cette souffrance… Les larmes roulaient dans son cœur en pleine tempête. Elle aurait voulu déchirer la toile de la nuit, briser les étoiles une à une… et la lune elle-même, grosse comme un œuf en cette nuit d’automne, aurait volontiers été broyé entre ses mains, si son esprit l’avait pu. C’est à ce moment précis que tout s’accéléra… une ombre furtive, une main glaciale sur sa bouche, une odeur putride et cette douleur intense longeant sa moelle épinière… Ses os semblaient pétrifiés, ses muscles tétanisés… Que fait-on dans ces cas-là se dit Aurore intèrieurement. C’est le moment où la victime crie, où elle appelle à l’aide ? Alors déjà da ns un sursaut d’espoir elle hurla… mais aucun son ne sortit de sa bouche…. Tout s’était passé en une fraction de seconde et l’homme déjà lui caressait le cou, bestial, implacable. La suite se déroula comme si elle avait observé la scène de l’extérieur. « Je ne veux pas mourir » s’était-elle dit dans un murmure inconscient. Sa vue s’était brouillée mais elle avait senti une bouche avide effleurer son cou. Des lèvres immondes s’étaient pressées contre sa peau... Dans un ultime instinct de survie, Aurore tenta de se libérer mais son corps était tel une poupée de chiffon entre les mains d’un bourreau. Alors elle attendit et sentit soudain sa peau se déchirer. La douleur l’aurait sans doute fait vaciller si elle n’avait pas été pétrifiée d’effroi. Elle sentit son sang qui giclait dans la bouche de l’homme. Le traqueur se nourrissait, il semblait se délecter de ce breuvage… Pourtant peu à peu elle sentait les forces la quitter, elle savait qu’elle allait mourir… Son cœur déjà ralentissait et ses yeux se révulsaient de douleur. C’est la fin se dit-elle. « Achève moi, aie pitié » pensa t’elle… Et comme s’il avait pu lire dans ses pensées, le chasseur répondit « non ce n’est que le début ma jolie, ne crains rien, tu vas aimer ». Alors, l’homme lâcha prise, il laissa le sang se répandre et couler jusqu’à la naissance de ses seins… « Il va me laisser là et on me retrouvera morte dans quelques jours » songea Aurore. Il s’empara alors d’une bouteille de bière négligemment abandonnée sur le sol et s’entailla les veines. La scène semblait surréaliste…. Puis saisissant l’adolescente sans ménagement, il l’allongea sur le sol et l’étrangla. Après un vain sursaut, une vaine résistance pour tenter de résister, Aurore lâcha prise et son esprit sembla se perdre dans le néant. C’est à ce moment précis où le cœur s’arrêtait qu’il inclina son poignet ensanglanté au dessus de la bouche de la jeune femme. Le sang du traqueur coula dans sa gorge… C’était un sentiment à la fois horrible et délicieux. Aurore sentait la vie revenir en elle et déjà elle pouvait percevoir le murmure de son cœur qui repartait. Puis elle sentit ses membres réagir doucement et put esquisser un petit mouvement… si faible qu’elle fut bien sûr que personne n’aurait pu le percevoir.
-Pourquoi ? Pourquoi as-tu fait ça ? parvint finalement à articuler Aurore la respiration sifflante.
-Parce que tu m’appartiens ma belle, bienvenue dans ta nouvelle vie ! éructa l’homme en la giflant.
Aurore perdit connaissance…. Jusqu’à ce que des cris perforent la nuit noire de son sommeil.

-ça va Mademoiselle ? Mademoiselle ? Je suis là n’ayez pas peur, je ne vous ferai pas de mal.

Les aulnes dansaient autour de l’adolescente et elle avait froid, si froid…Pourtant, bientôt elle parvint à nouveau à écarquiller les yeux. Un homme, d’une soixantaine d’années, les cheveux grisonnants et l’allure rassurante la regardait avec inquiétude. A ses côtés un chien jappait et foulait le tapis de feuille avec impatience. Le sexagénaire sortit son portable de sa poche et Aurore put percevoir des bribes de la conversation.
-Oui… elle était évanouie…16, 17 ans je dirai… venez vite.

Après tout se passa comme dans un rêve. Le hurlement des sirènes de pompiers, la voix de sa mère, rassurante, apaisante… et ce blanc, tout ce blanc qui mélangeait à l’odeur d’éther lui donnait la nausée.